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Tuesday, October 09, 2007

 

La sorcière des Salins

Mon nouvel élève venait d'un pays africain. Bac +8, il avait besoin d'améliorer son anglais pour partir en stage. Le seul problème: il détestait les chiens. Il n'avait pas seulement peur, comme beaucoup de gens confrontés d'un chien solide. C'était la haine. Anaïs est sortie sur la terrasse, la porte fenêtre fermée derrière elle, et l'élève s'est décontracté un peu.

Trois jours plus tard il est revenu. Je suis arrivée à convaincre Anaïs que ce n'était pas une bonne idée d'aller chercher le nouvel élève à l'ascenseur, comme elle fait d'habitude. Elle a attendu sagement dans le salon. L'après-midi était doré, chaud, un moment de bonheur automnal à ne pas perdre. J'ai donc proposé au jeune homme de nous installer à la table sur la terrasse. Tout s'est bien passé avant qu'Anaïs décide de nous joindre. Avec un long soupir elle s'est allongée à côté de ma chaise, le museau sur les pattes devant, et a commencé à m'aider à faire le cours. L'élève, ne voyant pas les choses du même oeil, a poussé sa chaise vers l'autre bout de la table. En réponse à mes questions, il a expliqué que, pour lui, les chats et les chiens étaient associés à la sorcellerie. Ah oui, ça se comprend, ici en France c'était comme ça aussi, mais plus maintenant, enfin, pas beaucoup. J'ai toujours dans ma tête la configuration des clous sur la porte de mon ancienne grange, où on avait cloué une chouette vivante; j'ai pensé aussi à tous les chats noirs brulés vifs dans un village des montagnes pour fêter la saint Bonaventure. Côté superstition, les Africains n'ont rien inventé.

La leçon a recommencé, bien que tous les deux on soit déconcentré. Anaïs, consciente de la détresse causée par sa présence, est rentrée dans sa niche, et aurait fermée la porte s'il y en avait une. La paix règnait, plus ou moins. J'ai laissé le jeune homme en train de faire un exercice écrit pendant que je fasse une photocopie sur l'imprimante. A mon retour il ne travaillait plus, mais regardait fixement les grands pots de fleurs. Entre chaque pot, et derrière chaque pot, et dans chaque pot, il y avait une armée de diables, aux oreilles pointues et aux yeux ô combien maléfiques...... C'était les Dellaroos et Zara.

- Ce sont leurs yeux que je ne supporte pas, dit-il avant de prendre congé. Ce sont leurs yeux qui me dégoûtent. En plus, ils sont tous noirs!

Je l'ai attendu pour sa leçon du vendredi après-midi, mais bien sûr il n'était pas au rendez-vous. Jeune homme poli, bien élevé, d'un très haut niveau d'études, il me croyait sorcière, donc plus besoin de me montrer la moindre courtoisie.

Ca se comprend.

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