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Friday, October 26, 2007

 

La dégringolade

L'histoire jusqu'à maintenant: Il y a deux ans un SDF s'est installé dans la Place des Salins avec sa chienne Mélody. Les résidents pensaient que cet homme était bien plus gentil que les autres SDF sur la place, il n'était pas agressif et il ne buvait pas trop. Un jour, il a perdu Mélody, ma voisine Annie l'a sauvée. Vous pouvez lire le blog de décembre 2005 qui est titré Un Conte de Noël. Après cet incident quelques voisins se sont liés d'amitié avec cet homme, on lui parlait régulièrement, on lui offrait des cadeaux pour la chienne. Il s'est installé avec Mélody dans une chambre d'hôtel, puis en colocation d'apartment. Il a commencé à boire beaucoup, il passait ses nuits sur le trottoir car trop ivre pour rentrer. Mélody était très malade mais elle n'était pas soignée par un vétérinaire. Bien avant la mort de Mélody, son maître a adopté La Misère, jeune et pleine de vie. Il enchainait les deux chiennes ensembles, l'une qui voulait mourir, l'autre qui voulait vivre, il les laissait sur le trottoir ensemble, pendant qu'il buvait dans le bar. Tout l'argent qu'il gagnait de sa vie de mendiant, plus son RMI, s'est servi pour acheter de la bière. Annie a emmené la chienne voir son vétérinaire, elle avait un cancer de la gorge, elle a été euthanasiée à ses frais.

Il fait froid la nuit à Clermont-Ferrand. L'homme dort devant le Crédit Agricole dans son sac de couchage. La Misère et son nouveau compagnon de misère, Opium, dorment sur le trottoir. L'homme ne pense jamais à se servir de toutes les couvertures qu'on lui a donné pour les chiens. Ils grélottent sur le beton. Quand il se lève le matin il s'installe sur le trottoir pour faire la manche. Les chiens ne peuvent même ni se soulager ni boire. L'homme reste immobile sur le trottoir toute la journée, des fois jusqu'à deux heures du matin. Il ne promène jamais les chiens. Très rarement il les lache dans le parc, une opération extrêmement hasardeuse, car ils doivent traverser seuls une route pleine de voitures, et à tout moment ils peuvent passer sous un bus dans la gare routière où ils courent.

Les chiens sont mal nourris, déshydratés. La Misère n'a jamais été traitée contre les vers, et a eu des infestations de puces. Ils ont froid, et ils sont obligés de rester immobiles à côté de leur maître toute la journée et toute la nuit. Il parait qu'on a proposé à l'homme une autre chambre d'hôtel, mais il l'a refusée parce qu'elle se trouvait à 5 minutes de marche de la Place des Salins. Il n'aime pas marcher.

Maintenant je comprends. Comme m'a expliqué hier une 'grande dame' de la protection animale: S'il ne bat pas ses chiens, s'il se met dans la rue avec eux pour faire la manche, on ne peut rien faire.

C'est la norme. La normalisation de la cruauté, de la violence muette, de l'esclavage. Il faut apprendre à voir la vérité. La plupart des gens ne voient pas la vérité, ils voient un homme poilu et sale et ses deux chiens hyper sages, ils laissent tomber des sous dans la casquette pour se rechauffer le coeur, et tout de suite ils oublient. Il y a d'autres personnes qui voit la dégringolade d'un être humain, qui emporte dans sa chute vers l'enfer de la rue des êtres non-humains. Des êtres innocents qui n'ont pas choisi d'être là, mais qui sont bien obligés d'y rester. Cette deuxième catégorie de gens s'angoisse, ne supporte pas de voir tant de souffrance inutile. Il y a aussi une troisième catégorie, c'est pour les gens qui ont tout compris. Ils ont comris que c'est comme ça, la vie d'un SDF, et on ne peut rien faire pour la changer. Ni pour l'homme, ni pour les animaux qu'il fait souffrir.

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