.comment-link {margin-left:.6em;}

Tuesday, April 26, 2005

 

Dans le nord

Pour fuir un amour impossible, je me suis rendue dans le nord profond de l'Australie. J'ai trouvé du travail sur une ferme située à 120 kilomètres de la ville la plus proche. J'avais 20 ans.

Dans ces grandes fermes isolées, les enfants considérés trop jeunes pour partir en pension, suivaient leurs cours à distance avec l'aide d'une jeune femme employée pour ça. Je suis devenue une de ses jeune femmes. Le salaire était très bas, mais on était nourrie et logée. En plus, on découvrait le pays. Mes élèves étaient deux filles de 7 et 9 ans. Elles étaient gentilles, le travail n'était pas difficile, et en plus il y avaient des animaux.

Les chevaux d'abord: On m'a donnée un cheval, un grand poney noir et blanc, dont je regrette d'avoir oublié le nom. Il y avait une dizaine de chevaux dans les enclos derrière la maison. On devait les surveiller de très près, car les étalons sauvages venaient souvent chercher les juments.

Des canards et des poules étaient à liberté dans le jardin. Il y avait aussi une famille de brolgas, des oiseaux sauvages très hauts sur pattes qui préfèrent marcher et danser que voler. Chaque année ce couple d'excentriques promenait leur nouveau né, dès qu'il savait marcher, de ferme en ferme, comme pour le présenter aux gens. Ils sont restés chez nous pendant une ou deux semaines, et puis ils sont repartis vers la ferme voisine à 20 kilomètres à l'est.

Il y avait beaucoup de chiens de berger, très sales et couverts de tiques.

Et finalement, la raison d'être de tout ce monde: les moutons. Chaque jour on s'occupait d'eux, et chaque soir on les mangeait. Moi aussi je mangeais une côtelette presque tous les jours, jusqu'au jour où j'ai vu un mouton en train de se faire égorger. Je suis entrée brutalement dans le monde végétarien.

Dans le nord de l'Australie il n'y a que deux saisons, the wet (les pluies) et the dry (le sec). A la fin de la saison sèche, tout le monde qui savaient monter à cheval devaient aider à retrouver les moutons éloignés et les conduire vers les terres hautes.

Un matin très tôt nous étions cinq à suivre le patron à travers la plaine. La jument du patron étaient exceptionnelle: belle et nerveuse, mais infatiguable. En plus, elle n'avait qu'un oeil. Il m'a raconté que c'était un accident survenu pendant son débourrage: dès qu'il lui avait mis la selle sur le dos, elle s'est jetée par terre dans une grande colère. C'était en frappant sa tête contre le sol qu'elle s'est fait blessée par une pierre - tout l'oeil est sorti de l'orbite, et restait suspendu par un fil de chair ou de nerf. Habitué à faire des décisions sur le vif, et vivant trop éloigné de la ville pour s'habituer aux vétérinaires, il a pris son couteau et a coupé le fil. L'oeil est tombé par terre, la jument a survecu.

Toute cette longue journée, on a poussé vers les collines tous les moutons qu'on a trouvés. Dès qu'ils étaient à quelques mètres au dessus de la plaine, on les a abandonnés à leur destin.

Quand la pluie est arrivée, c'était presque biblique. Tout le pays était couvert d'eau. La ferme est devenue une sorte d'arche de Noë, car on a du faire entrer beaucoup d'animaux de la basse cour. Pour rechauffer les canetons fragiles, on les a mis dans un carton placé dans le four à température très basse et à la porte ouverte. La salle de classe, dont le sol était de la terre battue, est devenue une refuge pour la volaille. Les enfants, qui en avaient l'habitude, ont continué calmement à faire leurs leçons de calcul et de grammaire pendant que tout ces oiseaux picotent et crient autour d'elles. Quand un caneton malade a traversé la salle pour mourir à mes pieds, elles l'ont à peine remarqué.

Dès que la crue diminue, on est sorti en Land Rover pour voir les dégats. Sur la plaine, beaucoup de moutons étaient piègés dans la boue. Ils n'avaient pas compris qu'il fallait rester sur la colline. Au dessus de leurs têtes planaient des corbeaux. A entendre leurs cris rauques, les moutons se débattaient furieusement, mais ils ne faisaient que s'enfoncer plus profondement. Et puis j'ai compris ce qui se passaient: dans la place de leurs yeux, il n'y avaient que des trous ensanglantés. Les corbeaux les crevaient à coups de bec.

Mon patron a ri quand je lui ai demandé pourquoi il ne tuait pas les moutons blessés.

- Il y a trop de moutons, et les balles coutent trop cher.

Dans le nord de l'Australie, ça se passait comme ça. Peut-être ça se passe toujours comme ça. Je n'y suis jamais retournée.

Comments:
superbe blog !!
jspr que le chien sdf va vite s'en sortir !! il a droit a une autre chance et un autre maitre.
 
Post a Comment



<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?