Thursday, February 03, 2005
Le chemin de la honte
Hier je me suis rendue au village d'Ennezat, à 10 km de Riom. En rentrant, j'ai cherché un chemin tranquil pour promener Anaïs, qui était patiemment assise sur le siège arrière. Ces villages sur la plaine n'ont pas beaucoup de charme, et le paysage est morne. Finalement, on s'est arrêtée à une aire de pique nique, et Anaïs a bondi de la voiture dans l'anticipation d'une longue promenade. Il recommencait à pleuvoir, des crachats plutôt qu'une deluge, et j'ai choisi un chemin qui avait la mérite de ne pas être tout droite. Après avoir marché pendant 5 minutes, une petite odeur désagréable commençait à s'insinuer dans mes narines. Quelques minutes plus tard, l'odeur a été jointe par un bruit, comme une lointaine promesse de l'enfer. En même temps, l'eau qui coulait dans le fossé à gauche était une longue soupe d'immondices, l'odeur est devenue insupportable, et le bruit grandissant des âmes en peine me faisait froid dans le dos.
Une rangée d'arbres cachait les bâtisses; un panneau annonçait sans équivoque que les curieux entraient à leurs risques et périls.
Le hangar était ouvert du côté de la route, sauf une partie basse d'à peu près la taille d'un animal, et des étroits pans de mur à chaque côté, comme les rideaux d'un théâtre de banlieue. Les acteurs couraient de partout, on voyait leurs belles oreilles en forme de feuille de tilleul qui voletaient. Arrivés au bout du hangar, ils essayaient de repartir, on se bousculait, on se piétinait, et tout le temps on criait. Un bruit de la peur, de l'angoisse, du désespoir. Je suis restée quelques temps pour les regarder, en essayant de comprendre ce qui se passait. Je n'ai rien compris, je n'ai pas aperçu le fermier ou la personne qui a causé l'effroi, et je me sentais comme alourdie par une souffrance indicible.
La chienne était contente quand j'ai repris le chemin en sens inverse. Elle, la nantie, entourée par l'amour, avait la délicatesse de partager un peu le chagrin de ce lieu - la queue entre les pattes, la tête baissée, elle est restée près de moi.
Au milieu de la rangée d'arbres il y avait l'entrée d'une petite cour. Et là j'ai remarqué pour la première fois la forme d'un animal. Un cochon, la jolie queue coupée au ras le dos, gisait dans la boue en attendant son dernier voyage dans le camion de l'équarrisseur. Il avait eu le malheur, ou le bonheur, de mourir en purgatoire.
Une rangée d'arbres cachait les bâtisses; un panneau annonçait sans équivoque que les curieux entraient à leurs risques et périls.
Le hangar était ouvert du côté de la route, sauf une partie basse d'à peu près la taille d'un animal, et des étroits pans de mur à chaque côté, comme les rideaux d'un théâtre de banlieue. Les acteurs couraient de partout, on voyait leurs belles oreilles en forme de feuille de tilleul qui voletaient. Arrivés au bout du hangar, ils essayaient de repartir, on se bousculait, on se piétinait, et tout le temps on criait. Un bruit de la peur, de l'angoisse, du désespoir. Je suis restée quelques temps pour les regarder, en essayant de comprendre ce qui se passait. Je n'ai rien compris, je n'ai pas aperçu le fermier ou la personne qui a causé l'effroi, et je me sentais comme alourdie par une souffrance indicible.
La chienne était contente quand j'ai repris le chemin en sens inverse. Elle, la nantie, entourée par l'amour, avait la délicatesse de partager un peu le chagrin de ce lieu - la queue entre les pattes, la tête baissée, elle est restée près de moi.
Au milieu de la rangée d'arbres il y avait l'entrée d'une petite cour. Et là j'ai remarqué pour la première fois la forme d'un animal. Un cochon, la jolie queue coupée au ras le dos, gisait dans la boue en attendant son dernier voyage dans le camion de l'équarrisseur. Il avait eu le malheur, ou le bonheur, de mourir en purgatoire.